Radiothon à Sicuani

Prochaine étape de mon radio's tour, radio Sicuani, dans la petite ville du même nom, sans intérêt et donc sans touristes, c'est peut-etre d'ailleurs là tout son intéret... J'ai traversé des paysages désertiques, des pans de montagnes brûlés, des plaines asséchées à pertes d'horizon...

En arrivant à la radio, ce que j'ai vu m'a pas mal interloquée. Il y avait un va-et-viens et une agitation incroyables, des gens qui criaient...ne maman  en pleurs est venue lancer un appel a l'aide à la radio. Son petit garçon de 3 ans, Luís, a une tumeur à l'oreille et doit être opéré d'urgence à Lima. Mais la maman, une fille mère, n'a pas un kopec,  pas d'assurance évidemment, l'opération coûte 15 000 soles, sans compter le transport, et sa famille ne lui parle plus depuis que le père du garçon est parti...bref c'est ce qui s'appelle accumuler.

Le lendemain, au bureau des pleurs, j'ai vu débouler une mamita. Je n'ai pas compris grand chose tant elle hoquetait et pleurait et mélangeait le quechua  à l'espagnol, mais c'était une histoire de vol..Je raconte cela juste pour expliquer l'ambiance de la radio mais aussi pour comprendre ce que j'ai vu les jours suivants...

J'ai découvert une des faces sombres du Pérou, la misère sociale et matérielle. Mais aussi une forme de solidarité organisée face au manque de réponse de l'Etat.

Le lundi suivant, ce qui s'est passé est tout bonnement hallucinant. Radio Sicuani a donc lancé un campagne de solidarité en appelant à la générosité pour le petit Luis, dès 9h du matin, en y allant gaiement dans le pathos du genre « il va mourir » ou « et si c'était votre fils »....Bref, les gens ont commencé à débarquer à la radio, tous studios ouverts, et une file s'est formée dans le hall...Vous n'allez pas le croire, jusqu'à 16h cela n'a pas désempli...7h d'antenne en direct donc, avec les journalistes, la maman et le petit... Des centaines de personnes défilant en portant leur contribution, en expliquant à chaque fois pourquoi, les petites mamitas - les vendeuses de la rue- qui portaient leurs recettes de la journée de deux ou trois soles, et, à partir de 13h, des dizaines de gamins venus porter leur sol d'argent de poche, leur « heure d'internet » comme le répétait le journaliste. L'émission prenait des allures d'école des fans par moments, la maman remerciait chacun en pleurant...Et c'est sans compter les appels téléphoniques de soutien, les dons des entreprises...

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Rebondissement a 14h, Edwin est arrivé avec une bonne nouvelle, la compagnie aérienne LAN a envoyé un mail pour offrir le billet d'avion...le chargé de com a expliqué en direct que c'était normal, cela fait partie de la politique de l'entreprise d'aider les enfants, blablablablabla...

Bref, a 16h, ce téléthon radiophonique improvisé a rapporté une montagne de billets sur la table, plus de 5000 soles ! Il n’était pas terminé quand Edwin a filé illico et impassible amener le petit Luis à cusco où il devait prendre l’avion pour Lima. Entre temps, il avait négocié en direct avec la femme d’un ministre pour essayer d’obtenir la gratuité de l’opération…Le trajet aller-retour lui prendra deux jours.

Quand il a eu cinq minutes, el hermano Edwin, d'un calme étonnant et d'humeur toujours égale, m'a expliqué qu’il avait 92 dossiers sous le coude comme celui de cet enfant, plus glauques et tristes les uns que les autres. Pour lui, c'est l'un des rôles de la radio, d'accueillir des gens comme dernier refuge, dernier espoir, et de lancer des appels à la solidarité chaque mois, pour les cas les plus urgents. Il m'a aussi avoué que c'était éprouvant et qu'il avait peur que cela lui use la santé...Je le crois volontiers.

Il m' a aussi raconté son voyage en France et ses trois grandes capitales, Lacaune, Aumont-Aubrac et Paris !