Sicuani : le retour Adieu la Bolivie, direction
Sicuani : le retour
Adieu la Bolivie, direction de Pérou et Cusco, puis Sicuani.
En deux mois, saison des pluies oblige, les paysages sont passés de la couleur paille au vert fluo. On dirait des prairies sénégalaises.
A peine arrivée à Sicuani, Edwin, le directeur de la radio, m'invite à manger un « Lomo saltado » en me proposant un contrat de travail de volontaire "chef de presse" de deux ans...
Car à la radio que j'ai quittée fin novembre, il y a eu beaucoupde changements. J'ai eu la sensation d’être partie deux ans plus que deux mois. La routine n'est pas péruvienne, Edwin me dit ce qui suit avec beaucoup de détachement:
-« J'ai arrêté trois contrats, deux journalistes, V. et P. parce que ils sont accusés de vol et de s'être battus, bourrés, dans une discothèque. Tu sais comment c'est ici, c'est petit, tout se sait. J'ai aussi licencié E, mais comme il n'avait pas de contrat pendant des années, ( du temps de l'ancien directeur aujourd'hui en prison, ndlr) il réclame de l'argent. Et Elio le chef de la presse est parti comme ça, du jour au lendemain ».
Quant à Daya, mon copain italien serveur dans une discothèque, il a « pété les plombs » depuis qu’ un règlement de compte à la Ok Choral entre flics et voyous a fait un mort et une blessée par balle dans la discothèque où nous allions souvent, par ailleurs, avec les compañeros….
Je suis donc arrivée le premier jour de Carnaval ( il est fêté tous les week-ends pendant deux mois ), avec un grand concert de Huaynos dans la cour de la radio..Ce sont des cholitas ( des filles en jupes et à tresses) qui chantent avec une voix suraiguë et qui dansent avec leur costume traditionnel. Bien sûr elles chantent l’amour, l’amour, l’amour, et l’alcoolisme des hommes.Voici une vidéo
Comme j'ai beaucoup de scrupules et de gêne à prendre des gens en photos, et comme les mamitas détestent ça et vous insultent ou vous jettent des mauvais sorts, j'ai délibérément manipulé une petite fille, Yomelina, qui lorgnait sur mon appareil photo, et je lui ai proposé de prendre toutes les photos qu'elle voulait- Elle était très fière. Oui, je sais, c'est un peu limite.
Le lendemain, j’ai présenté les informations internationales qui avaient disparues de la grille. Il paraît qu’il se passe des trucs au Moyen-Orient.
Mais si tout le monde était dans tous ses états, au journal du matin, c'était pour la San Valentin, jour de l’Amour et de l’Amitié. C’était l’information essentielle. Des dizaines de mamitas ont été interviewées pour présenter leur camelote : peluches, cœurs- ballons de baudruche et chocolats périmés...Les garçons étaient survoltés et y sont allés de plus belles avec des dédicaces de chansons romantiques à souhait et des poèmes de Pablo Neruda. Puis on m'a interviewé pour savoir comment se fêtait la San valentin « dans le pays le plus romantique du monde », « dans la langue de l’amour ». Je crois qu’ils ont été très déçus de la réponse. Un des journalistes a envoyé un texto à sa femme sur lequel il avait fièrement écrit « Jétem».
C’était le jour le plus niais. Un jour de trêve aussi: demain, les Péruviens pourront recommencer à frapper leur femme, c’est la réalité des 364 autres jours. (Selon les chiffres du Ministère de la condition féminine, 69 % des femmes de Cusco subissent des violences de la part d’un agresseur au moins une fois dans leur vie.)
Pour remettre de la couleur à ce sombre tableau, voici Marta, couturière, mais aussi auditrice assidue de la radio, qui m'a fait une ristourne sur une jupe parce que depuis longtemps elle voulait "venir à la radio pour voir la tête de la gringa " C'est fait.